François Provost, directeur général du groupe Renault
PARIS (Reuters) -Renault Group est favorable à l'instauration de l'obligation de contenu local européen, réclamée par plusieurs équipementiers automobiles pour les protéger de la concurrence chinoise, mais à condition que la définition en soit élargie, a dit à Reuters le directeur général du groupe au losange.
Dans le cadre du dialogue stratégique engagé depuis le début de l'année entre l'Union européenne et les représentants de la filière automobile, plusieurs équipementiers ont réclamé 80% de contenu local obligatoire, un taux inspiré d'une règle en vigueur aux Etats-Unis.
Mais pour François Provost, un dispositif trop strict a peu de chances d'être adopté d'ici le 10 décembre, date à laquelle la Commission européenne doit dévoiler une liste de mesures pour soutenir l'industrie automobile du continent.
"Il faut être réaliste, des dispositifs compliqués de contenu local par modèle, avec des pièces imposées, cela ne fonctionnera jamais", a déclaré le directeur général de Renault. "Le seul système qui peut fonctionner, c'est un contenu local moyennisé sur les ventes d'un constructeur. Cela nous permettrait d'atteindre l'objectif souhaité, qui est de pouvoir aider la filière européenne et surtout nos fournisseurs."
Cette définition élargie, avec une obligation moyenne pouvant aller par exemple jusqu'à 60%, permettrait de convaincre les membres de la filière - notamment allemands - encore réticents à l'idée de cette nouvelle règle, de peur qu'elle enfreigne leur liberté de choix des fournisseurs et leur marge de manoeuvre pour gagner en compétitivité.
"Tout autre système ne fonctionnera pas et à la fin aboutira à ce que cela ne soit pas mis en place, (...) si c'est ce qu'on veut!", a poursuivi François Provost.
TOUS LES ARBITRAGES À BRUXELLES PAS ENCORE RENDUS
L'association européenne des équipementiers Clepa a prévenu lundi que les activités de production dans l'Union européenne étaient menacées de déplacement, avec à la clé pas moins de 350.000 emplois à risque d'ici 2030.
"Une action politique stratégique est requise pour inverser la délocalisation et protéger les emplois manufacturiers. Cela inclut une régulation CO2 neutre technologiquement (...) tandis que des exigences de contenu local peuvent aider à construire des écosystèmes locaux", a dit l'association dans un communiqué.
Jeudi, lors d'une journée investisseurs, le directeur général de l'équipementier Valeo a déclaré lui aussi que sans obligation de contenu local, la fermeture de sites en Europe serait inéluctable sur le long terme.
"Si l'Europe ne décide pas d'un contenu local minimum par voiture, alors il y aura des délocalisations significatives, massives, dans l'industrie automobile depuis l'Europe vers le reste du monde, disons par exemple de Valeo Europe vers Valeo Chine", a dit Christophe Périllat.
François Provost, qui a succédé l'été dernier à Luca de Meo, parti diriger le groupe de luxe Kering, s'est rendu à Bruxelles mardi dernier pour rencontrer des commissaires et parlementaires.
"Le point positif, c'est que je sens qu'ils comprennent le sentiment d'urgence, la nécessité d'avancer, par contre j'ai vraiment l'impression que des points importants sont encore en discussion", a-t-il dit.
La filière automobile demande aussi un assouplissement immédiat des objectifs de C02 pour les véhicules utilitaires, dont la trajectoire d'électrification n'est pas conforme aux prévisions, et un autre assouplissement pour les voitures autour de 2030, prochain tour de vis drastique avant la fin officielle des moteurs thermiques en 2035.
Constructeurs et équipementiers espèrent également un assouplissement de ce dernier objectif, avec l'autorisation au-delà de 2035 des hybrides rechargeables et des prolongateurs d'autonomie, conservant dans les deux cas un moteur essence. La filière pousse aussi pour une réglementation allégée sur les petites voitures électriques plus abordables, afin de soutenir le marché européen.
(Reportage Gilles Guillaume et Dominique Patton, avec Alessandro Parodi, édité par Kate Entringer)

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